Devenir parents implique de faire des choix. Ça commence dès avant la conception, ça vous percute durant la grossesse et ça vous suit pour toujours. Vous devrez vous positionner à la demande de l’équipe soignante, de votre famille, des éducateurs… Tout le monde vous demande de faire des choix.
Parfois on ne vous le demande pas mais il ne faut pas s’y tromper. Alors même que tout vous laisse à penser qu’il n’y a pas de choix, pas d’alternative, qu’on ne peut pas faire autrement que comme tout le monde… Et c’est généralement faux.
Demandez à Mme Aborigène, quelque soit le domaine il y a sûrement une autre façon de faire que celle qu’on pratique autour de vous.
Mais quelle est la meilleure ? Qui a raison ? Votre belle-mère qui a élevé cinq enfants dont un que vous aimez mais subissez un peu ou cette bloggeuse Montessori que vous adorez ? Votre tante Jeanne-Griotte qui a fait l’école à la maison avec vos cousins pendant 16 ans ou votre copine working-girl qui a mis les siens dans le privé pendant qu’elle poursuivait sa carrière ? Votre frangin et sa copine qui laissent pleurer leur bébé ou votre sage-femme qui vous propose un atelier sur le maternage ?
Personne, selon moi. Personne n’a tort ou raison, personne ne détient la vérité. Mais il y a probablement une solution qui convient mieux qu’une autre à votre famille, à vous, à votre enfant. Chez les Something, on a une tendance naturelle à se diriger vers les solutions de hippies, parce que ça nous rend particulièrement heureux. Mais si de votre côté ça vous pompe l’air, pourquoi devriez-vous vous y forcer ?

Quand vous vous retrouvez face à une situation nouvelle, examinez vos options avec l’esprit ouvert. Pour un même sujet, prenez des renseignements de plusieurs sources différentes car chaque solution peut être envisagée avec des variantes et qu’on vous le dit rarement d’emblée.
Votre sœur pratique le portage sans jamais passer la main à son mari et ce n’est pas ce que vous voulez pour votre couple ? En observant vos voisins qui portent leur enfants tous les deux, vous découvrirez que le problème n’est pas l’écharpe mais la frangine. Vous pourriez adorer le portage occasionnel.
Vous êtes horrifiée quand vous entendez votre collègue qui laisse hurler son bébé la nuit à l’autre bout de l’appartement et songez au cododo alors que ça ne vous tente qu’à moitié ? Il y a des parents qui mettent leur bébé dans la chambre à côté et courent le voir quand il appelle, ils en sont très heureux. N’allez pas vous forcer à un truc qui ne vous correspond vraiment pas.
Personnellement, je trouve que le plus simple est encore de prendre la question à l’envers :
Vous vous fixez des objectifs qui sont les vôtres, avec des priorités qui n’appartiennent qu’à vous, puis vous cherchez quel est le meilleur moyen de les atteindre. Si le moyen que vous voulez n’existe pas, inventez-le !
Votre principal boulot en tant que parent sera donc de choisir, de mettre en pratique et de s’y tenir… Ou pas.
S’y tenir…
Vous venez de passer trois jours à vous renseigner sur la diversification autonome et vous avez décidé de tenter ce mode d’alimentation qui correspond à vos valeurs familiales. Félicitations, c’est merveilleux.
Le lendemain, vous êtes réunis pour un repas entre copains ou un déjeuner dominical en famille, et voilà-t-y pas que l’autre casse-pieds de Jeanne-Cintre s’amène avec ses gros sabots en demandant si vous allez faire les petits pots vous-même ou les acheter. Votre moitié, naïvement, répond que vous êtes partis pour la DME et soudain, patatras, vous voilà embourbés dans des explications bredouillantes tandis que toute la tablée y va de son petit commentaire, entre moqueries ouvertes pour vos lubies ridicules – « Pouvez rien faire comme tout le monde, hein ! » – et franche hostilité – « Mais tu PEUX PAS faire ça, tu vas lui causer des CARENCES et il va MOURIR ton gosse !!!! ». La dernière sortie c’était ce relou de Jean-Fion, jamais à cours d’un jugement sentencieux et outrancier, en plus il a pas d’enfant, genre le spécialiste et de toute façon s’il sortait pas avec Sarah on l’aurait jamais invité mais bon elle l’aime et on va pas polémiquer là-dessus.
Vous le sentez, le coup de pression ?
En rentrant chez vous, vous regardez vos pieds, tournez autour du pot et l’un de vous finit par glisser un « t’es sûr que c’est une bonne idée » qui va inévitablement exaspérer l’autre parce que merde, on va pas se faire dicter notre vie par Jean-Fion et tu pourrais me soutenir un minimum.
Non, en effet, ce ne sont pas nos proches qui élèvent nos enfants. Ni le médecin ni l’instit ni personne d’autre que nous.
Il va falloir apprendre à s’en tenir à vos choix, à faire corps, à faire couple. C’est pas toujours facile et c’est un gros test conjugal, mais si vous parvenez à le passer sachez que ça procure des sentiments de fierté et d’accomplissement pas piqués des hannetons.
Je suis du parti de jouer à fond la carte de la team famille – votre nouvelle famille, celle que vous construisez, n’allez pas vous ranger du côté de votre mère, inconscient.e ! Pour moi c’est celle qui vaut le plus de points et permet de remporter la main à chaque fois.
Avec le temps j’ai rejoint le parti de ceux qui refusent de se justifier. Quand on me demande gentiment, j’explique une fois. Quand on a des questions supplémentaires sincères, je réponds. Quand ça commence sur un ton condescendant en revanche, je mets fin immédiatement à la conversation en disant que si ça commence comme ça je préfère ne pas discuter. Aux gens qui insistent, je renvoie vertement que ça ne les regarde pas et qu’on ne leur a pas demandé leur opinion. Si je mets vraiment mon enfant en danger ils peuvent toujours appeler les services sociaux, je ne retiens personne.
Ça m’a pris des mois pour atteindre ce point là. Des mois à essuyer les moqueries et les réprimandes injustifiés de personnes mal renseignées auxquelles l’avenir a prouvé qu’elles avaient tort et moi raison. Mais à un moment j’ai réalisé que moi, je ne parle pas aux gens comme à des crétins et je ne les dévalorise pas en tant que parents. Alors je ne vois pas pourquoi je devrais le subir. Parfois ça fait du bien de s’accorder les mêmes droits qu’aux autres.

Si c’est pas trop votre truc de résister à la pression de votre entourage, navrée de vous le dire mais vous allez devoir vous acheter une colonne vertébrale et vous muscler un peu. Bon d’accord c’est plus facile à dire qu’à faire, mais il va bien falloir y arriver, au final. Trouvez en vous la ressource, puisez au fond de vous-même. On a tous un truc qui nous donne la motivation dont on manque parfois. Pourquoi pas, humm, le bien-être de votre enfant ? C’est puissant comme motivation, ça, non ? Chaque choix que nous faisons est une occasion d’être son modèle, alors arrachons-nous un peu.
En s’aidant avec du chocolat, si besoin.
De plus, les enfants ont besoin d’un minimum de constance et de stabilité pour arriver à trouver des repères. Alors avant de changer d’avis au moindre doute, prenez le temps d’expérimenter, de tester et de rechercher des ajustements. On arrive rarement à ses fins du premier coup, il n’y a pas de raison que ce soit différent cette fois.
En somme, soyez prêts à assumer vos décisions jusqu’au bout…
…ou pas !
Ceci signifie-t-il que nous nous devons d’être des connards rigides ? Bien entendu que non.
Être incapable de reculer devant le danger ne sécurise pas un enfant.
Quand on se rend compte qu’on s’est planté, rien ne sert de persister dans son erreur. C’est même en général contre-productif. On se retrouve dans la situation du type qui arrive sur scène sans le bas de son costume et essaie péniblement de donner le change en faisant comme si de rien n’était devant un public au mieux embarrassé pour lui et au pire exaspéré par sa déconfiture.

Comme nous ne sommes pas des dieux nous allons nous tromper, c’est inéluctable. Déjà préparez-vous à vous pardonner. Se tromper n’est pas grave. Vous n’êtes pas omniscients. Vous n’êtes pas parfait, ne laissez jamais croire à votre enfant que vous l’êtes, il vivrait dans la certitude de ne jamais pouvoir se hisser à votre niveau et dans le conflit permanent résultat du constat de vos incohérences et de l’impossibilité de s’autoriser à les reconnaître.
C’est pas spécialement sain.
Les gens qui ne font jamais d’erreur sont ceux qui ne font jamais de choix. Ce sont des irresponsables et ils n’ont aucune leçon à vous donner.
Donc si vous avez l’impression de vous planter à tout bout de champ, félicitations, vous êtes de la race des seigneurs.
À partir du moment où vous avez fait votre max, si vous constatez que vous vous êtes gourré, contentez-vous de faire calmement marche arrière et reprenez un meilleur chemin. C’est trop tard ? Alors excusez-vous et essayez d’en tirer une leçon. Contrairement à une idée reçue, s’excuser ne cause pas la lèpre et ne fait pas éclater le cervelet, vous ne risquez rien.
Les enfants apprennent par mimétisme. Personne ne veut élever des mômes butés et incapables de se remettre en question. Alors donnons l’exemple et n’hésitons pas à faire demi tour avec le sourire.
Je ne dis qu’il faut être inconstant. Si vous commencez à constater que vous faites le ventilateur à force de vous retourner sans cesse, il est peut-être temps de vous poser cinq minutes.
Simplement, quand on ne le sent plus, quand on n’est plus à l’aise avec une décision, on est souvent bien inspiré de s’asseoir et de chercher d’où ça vient. Si on s’éloigne graduellement de son objectif, alors peut-être qu’il est temps de rebrousser chemin.
Mais à la fin, être parents je crois que c’est surtout faire des choix.
Ça veut dire apprendre à décider de son destin.
Et en fait, décider de son destin, c’est quelque chose de merveilleux.
