Le pitch :
Je n’ai jamais été aussi heureuse que depuis que j’ai joyeusement accepté de rater ma vie.
Le résumé du film :
Si on m’avait posé la question à vingt ans de ce que serait ma vie à trente, j’aurais répondu « en couple, avec deux enfants, une villa, un chien et un chat, à m’éclater 50h/semaine dans un boulot de cadre super cool qui rapporte masse de blé, entourée d’amis cool et branchés et jonglant avec tout cela sans aucune difficulté comme dans une pub l’Oréal ».
Il va de soi que je n’en aurais pas pensé un mot. Le futur était pour moi à l’époque une source d’angoisse infinie et ma confiance en mes capacités à « réussir ma vie » se résumant à un enthousiasme de façade, puisque je visualisais très bien le point A où je me trouvais, le point B où j’ambitionnais de me rendre, mais que ni ma formation ni mon éducation n’avaient inclus le module « Comment y aller ? ».
Et puis, même si on m’avait toujours dit que la working girl élégante de la pub l’Oréal avait grave la classe, secrètement je me sentais beaucoup plus proche de la nana mal coiffée au réveil dans la pub Ricoré et je rêvais en douce d’une vie de bohème dans une maison minuscule au milieu d’un champ de fleurs.
J’avais acquis alors quelques certitudes et me fixais des lignes de conduite :
Ne jamais faire des choix de carrière/déménager pour un mec ou être dépendante de lui. Le pire ce serait un truc du style « femme de militaire », comme ma grand-mère.
Rencontrer mon conjoint dans mon cercle d’amis ou au travail, comme tout le monde, quelqu’un qui me ressemble et qui ait les mêmes centres d’intérêt que moi.
Faire passer ma carrière avant ma famille, toujours, parce que la carrière c’est vachement plus important. Élever mes enfants avec de la rigueur et des principes. Et puis un peu d’affection mais la rigueur et les principes c’est vachement plus structurant, pas question de les couver.
Me fixer dans une entreprise et ne plus jamais en bouger, être un modèle de stabilité professionnelle. De toute façon pourquoi changer puisque dans toutes les entreprises c’est pareil, on y fait « Le Travail ». Être un modèle de stabilité géographique également, puisque je vivais déjà dans le plus bel endroit du monde et que c’était chez moi. Or il est une notion bien connue que « c’est forcément moins bien ailleurs, puisque ailleurs c’est pas ici ».
Si je ne remplissais pas ces conditions, il était évident que j’aurais raté ma vie.
Bref.
Dix ans et quelques plus tard, je suis toujours dans le plus bel endroit du monde.
Sauf que j’en suis partie pendant dix ans et que je suis revenue un peu par hasard. Entre-temps j’ai découvert quelques-uns des autres plus beaux en droits du monde (ok, du pays), j’y ai appris qu’on pouvait être un peu partout chez soi. J’ai fait plein de petits et de grands boulots dans pleins de boîtes différentes, j’ai découvert qu’ils étaient tous intéressants et que des boîtes, y en a pas deux qui se ressemblent. J’ai eu un chat qui m’a suivi partout mais qui n’est plus là, j’ai eu un chien qui m’a suivie aussi et qui est en train de faire la sieste au soleil.
En chemin, j’ai eu envie de compagnie. J’ai rencontré un monsieur (sur Internet) avec qui je n’avais absolument rien en commun, alors je l’ai épousé. Comme il est militaire, je suis un truc du genre « femme de militaire », comme ma grand-mère. Pour ce mec, j’ai renoncé à tout espoir de me construire un CV conventionnel afin de le suivre au gré des mutations et déménagements. Du coup on privilégie sa carrière et actuellement je suis matériellement assez dépendante de lui.
On a fait un bébé, avec qui on a tous les deux découvert le bonheur d’être fusionnels. On a immédiatement jeté nos principes aux orties pour se concentrer sur les meilleurs moyens de lui donner de l’affection, parce qu’en fait l’affection c’est beaucoup plus structurant que les principes. J’ai mis mon travail entre parenthèses pendant plus d’un an pour m’occuper d’elle et j’organise à présent ma vie professionnelle en fonction de ma famille, parce que ma famille passe avant tout le reste et que c’est pas mes collègues de bureau qui m’accompagneront sur mes vieux jours.

Mon chien est titulaire d’un DUT en psychologie et analyse comportementale. Je m’appuie beaucoup sur ses conseils et son expérience.
On est pas bien coiffé, il y a du linge qui traîne, un frigo pas rangé, des mômes qui rigolent avec une moustache de yaourt et des copains de partout qu’on retrouve à l’improviste. On doute, on hésite, on cherche et on ne sait pas vraiment ce qu’on fait. Notre vie est pleine de moments Ricoré.
Il se trouve que je ne sais toujours pas comment j’aurais dû aller du point A au point B.
Il se trouve que je ne suis jamais arrivée au point B.
Il se trouve que je ne suis finalement arrivée nulle part et que c’est un endroit très très intéressant, alors j’ai décidé de rester.
Venez, je vous fais visiter.