Que ferait Mme Aborigène ? – Le Credo

Lorsque nous avons décidé de faire un enfant, Monsieur Puma et moi-même nous sommes livrés à un exercice assez périlleux, à savoir lister toutes les choses dont aurait besoin le futur héritier.
On s’est vite rendus compte d’un truc : si vous suivez les recommandations des magasines, que vous cochez toutes les cases de la liste de naissance-type du grand magasin ou celle du site de vente en ligne, si vous prenez tout ce que vous recommandent conjointement votre mère, votre belle-mère et votre meilleure copine, vous allez claquer votre PEL dans une montagne de conneries inutiles, encombrantes et polluantes. Or, si mon expérience dans l’industrie m’a appris une chose c’est que chaque année elle doit, pour survivre, vous faire croire que vous ne pourriez pas vivre sans cet objet qui n’existait pas encore l’été dernier.
Bien entendu toutes ces choses, si vous les utilisez, vont vous conduire à devoir racheter des recharges, des accessoires indispensables, faisant de vous une parfaite vache à lait.

Pire que tout, si vraiment vous les utilisez, ces objets conditionnent votre façon d’élever votre enfant. Posséder un transat, un lit à barreaux, des dosettes pour le lait en poudre ou encore une balancelle automatique qui berce bébé à votre place, tout cela n’est pas neutre. Cela influence votre rapport à votre enfant, vos choix éducatifs, sa place dans votre famille. Aubert, Orchestra et le site en ligne du magazine Parents vous disent comment élever votre môme dès avant sa naissance. Je ne vous parle même pas de Nestlé.

Je sais pas vous, mais nous ça nous plaisait pas beaucoup, cette idée-là.

Je ne suis pas quelqu’un de conformiste. Les consignes du type « faire comme tout le monde » ont généralement le don de m’irriter. Non pas que je cherche absolument à me distinguer, simplement le fait que mes contemporains adoptent tous le même comportement ne constitue pas à mes yeux une preuve de son bien-fondé. À la limite c’est plutôt le signe que les gens n’accordent pas assez de temps à la remise en question et qu’il y a anguille sous roche.
Pour moi, c’est presque un réflexe de remettre les choses en question. Ma première pensée quand je découvre quelque chose de nouveau c’est « Pourquoi ? »
Au début, ça rendait Monsieur Puma complètement dingue. Mais j’ai fini par le contaminer et maintenant on est deux à regarder les choses par en-dessous au grand dam de notre entourage.

En somme, à chaque fois que les parents que nous sommes sont confrontés à une situation inédite et juste après voir réagi à chaud comme nous le pouvions, nous prenons un moment pour examiner les choses sous d’autres angles.

La comparaison est un bon outil de questionnement. Elle permet de relativiser sa situation, d’objectiver, de se situer mais surtout elle permet de prendre de la distance et de changer de point de vue.
Par exemple, lorsqu’ils sont confrontés à une difficulté, certains croyants se demandent ce que ferait Jésus dans cette situation.
Mais comme Jésus n’a pas élevé d’enfants et ne m’est pas d’un grand secours en termes de puériculture, je me contente de me demander ce que ferait Mme Aborigène.

Mme Aborigène n’a pas lu de bouquin. Elle n’a pas reçu de visite de la PMI, n’a pas participé aux réunions de naissance et ne regarde pas la télévision. Mme Aborigène ne connaît pas Nestlé et n’a pas accès au chauffe-biberon, à la balancelle automatique ni aux petits pots industriels.
Si quelqu’un lui parlait de laisser pleurer son bébé pour ne pas se laisser manipuler par un être qui ne sait même pas où se trouvent ses pieds, elle le regarderait avec des yeux ronds avant de s’éloigner prudemment. Quand il commence à vouloir manger autre chose que son lait, elle ne pèse pas l’écrasé de chenilles vertes pour être sûre qu’il a bien ses 37g de protéines avant de lui fourrer une compote de feuillage dans le gosier.

Au passage, faisons un point M. Aborigène. Y a pas que les mamans qui font des bébés. Monsieur Aborigène non plus ne se pose pas trop de questions. Il ne fait pas la sourde oreille aux pleurs nocturnes par souci de répartition des tâches ; il prend son enfant dans ses bras et lui montre cet oiseau, là-haut, sans crainte de passer pour un faible ; il profite des siens en toute sérénité, bien loin de se demander s’il peut à la fois être un bon chasseur-cueilleur et un bon père de famille.

Monsieur et Mme Aborigène ne font pas tous ces trucs un peu crétins que nous faisons tous sans trop savoir pourquoi, parce qu’un jour un entrepreneur s’est dit qu’il pouvait tirer bénéfice de la vente d’un objet inutile produit en grande série en expliquant simplement aux parents qu’ils pouvaient bien s’en passer, évidemment, s’ils n’aimaient pas vraiment leur enfant.

Attention, je ne dis pas qu’il faut en revenir à l’état de nature. Après tout, Mme Aborigène a une fâcheuse tendance à mourir en couches, chopper le tétanos et ne pas se remettre d’une vilaine fracture… Mais quand même, il me semble que la comparaison peut aider à discerner l’essentiel de l’accessoire, l’utile du nécessaire et au milieu de tout cela le superflu. Se glisser dans le pagne de Mme Aborigène implique de se demander ce qu’on aurait fait instinctivement ou bien s’il n’existerait pas une autre façon de procéder que la nôtre.

Donc voilà, quand on a compris qu’on avait pris un aller simple pour la parentalité, on s’est fixé une sorte de Credo.
Nous ne ferions pas « exactement comme nos parents ». Ni comme les voisins, les potes ou les bouquins.
Nous ne ferions pas « exactement le contraire ».
Nous ferions ce qui nous semblerait le plus adapté à notre famille et à nos valeurs.
En remettant tout en question. Quitte à tout faire sauter et à nous bousculer un peu dans nos certitudes. Quitte à devoir tout réapprendre. Quitte à se rendre compte qu’en fait, comme-tout-le-monde c’est très bien aussi. Quitte à se planter et devoir revenir en arrière.

Quitte à prendre du recul en demandant ce qu’elle en pense à une certaine Mme Aborigène.

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