L’invasion des Mères Denis
Je le confesse, je ne suis vraiment pas une Mère Denis. Lorsque j’étais enfant, ma mère ne jurait que par le cycle coton-90°C, voire en cas d’échec la marmite bouillante additionnée de Javel – je revois encore les malheureuses culottes tourbillonner en vain sur la cuisinière à bois. Autant dire qu’elle m’a plus appris sur la sociologie que sur le petit linge.
Des années plus tard, ma Très-belle-mère a eu à cœur de me transmettre quelques rudiments d’arts ménagers, pattemouille incluse, mais j’avoue que je ne plaçais pas ces savoirs en haut de ma liste de priorités. D’une part je consacrais mes neurones au droit administratif pour lequel j’étais un peu plus douée, d’autre part il me suffisait de téléphoner au domicile paternel en cas de cata pour qu’elle m’indique la marche à suivre.

Toutefois, la naissance d’un enfant s’accompagne de trois ennemis du coton blanc que sont le sang, le vomi et les selles. Oui, cet article est frappé au sceau du glamour, j’ai essayé de noyer le poisson dans l’intro mais maintenant c’est clair pour tout le monde, inutile de se voiler la face, les bébés c’est du berk. Bien.
Six mois plus tard, on entre en surplus dans la phase de diversification. C’est un moment où, toute honte bue, on renonce occasionnellement aux framboises et à la betterave sous un fallacieux prétexte de digestibilité – en réalité ça en fout partout et parfois l’amour d’une mère ne fait pas le poids face à une trace de fruits rouges sur une manche.
Il devient donc rapidement indispensable de s’armer de quelques essentiels permettant de venir à bout des inévitables taches, vu que « Papa-Maman c’est pas les Rothschild pour racheter un body par jour ». Car bien que j’aie déjà croisé chez des amis la politique du « quand y en a partout, j’essaie même pas », je ne peux personnellement pas me le permettre.
Je détache, je répare, je rapièce et tout soudain me voici Mère Denis à mon tour.
Ceci dit pas question d’aller passer ma journée au lavoir, d’avoir une buanderie aussi pleine de flacons qu’un bar à rhum de Saint-Malo ou de me plier à une routine-magique-en-huit-étapes à craquer mon livret A.
Simple, rapide, économique. Ou rien.
Ah et naturel, un peu, vu que c’est le linge de bébé et que je n’affectionne ni les éruptions cutanées ni le napalm.
Le trempage à froid, la base de la base
Les tâches organiques se fixent à la chaleur. Donc sang, gras, selles, régurgitations = eau froide, point. Quand je repense au petit linge en train de cuire dans une bassine chez maman, je me dis que pour une maison de filles, on était pas bien renseignées.
Trempage à froid, donc, parfois c’est même suffisant pour sortir une tache fraîche.
Mes meilleurs copains
Le savon au fiel de bœuf
Croisé pour la première fois sur la blogosphère écolo-minimaliste, c’est devenu un ami très proche. Pourtant j’avoue que je n’étais pas particulièrement enthousiaste à l’idée de faire ma blanchisserie avec de la bile de génisse, franchement on a vu plus glamour. Je fantasmais déjà un pot métallique rempli d’un liquide brun-jaunâtre odorant, mais à ma grande déception, en fait, c’est juste un bête savon solide.
Certes, le savon de Marseille à l’ancienne a souvent bien la cote, mais en termes de détachage il ne fait pas le poids face au savon au fiel. On évitera de se laver les mains avec, d’ailleurs. Contrairement à son cousin il ne plaisante pas, en fait on crème ses mimines après usage si on ne veut pas se retrouver avec une pogne de docker.

Tout bêtement on mouille la tache à l’eau froide, on savonne un coup – si possible à l’envers de la tache pour la faire « sortir » et on met en machine. La plupart du temps ça suffit, c’est magique, ça s’arrête là.
C’est particulièrement redoutable sur les taches de sang (ô joie du post-partum) et c’est plutôt universel.
Je le trouve en magasin bio et je tombe toujours un peu sur la même marque qui me va très bien. Je débourse royalement 2€ à tout casser, ça me dure trois mois et je le range dans une boîte en plastique – une avec un couvercle pour le mettre dans la valise du Jaguarondi quand il part en vacances.
Le combo acidité + soleil
Pour les taches plus anciennes, il faut parfois monter un cran au-dessus. Typiquement, quand je récupère des vêtements de mes neveux qui ont passé plusieurs années à la cave – les vêtements, pas mes neveux – je passe par une petite phase « traitement » avant de pouvoir les ranger dans l’armoire.
Non pas que ma sœur soit une souillon qui range des trucs sales dans des boîtes – c’est effectivement une souillon mais elle le vit très bien et ça n’a aucun rapport. Il s’agit simplement de la propriété magique du lait régurgité : la tache n’apparaît pas tout de suite mais après deux jours au placard. Ce joli petit chemisier immaculé que vous décrochez de l’étendoir pour soigneusement le repasser ne révélera son sombre secret que plus tard dans la semaine, idéalement au moment de le porter au mariage de la cousine Marie-Peuplier, devant cette tante collet-monté qui ne vous apprécie déjà pas beaucoup.



Heureusement, il y a Findus, le citron, le bicarbonate et notre ami l’astre solaire. Il vous faudra donc un acide et un peu de lumière naturelle. Indice : plus il fait moche et plus c’est long. Les Aixois auront donc un avantage certain sur les Guingampais.
On humidifie bien la tache avec, au choix, du jus de citron ou du bicarbonate – beaucoup – dilué dans de l’eau – un peu. Pour le bicarbonate, sachez que pharmaceutique > alimentaire > ménager. Bon là du ménager ça ira très bien. Du jus de citron en bouteille aussi, accessoirement.
Ensuite on met la pièce de vêtement au soleil et on croise les doigts pour que ça marche. En général ça marche pas mal du tout. Un rinçage en machine et vous pourrez regardez votre vieille tante avec morgue.
Le percarbonate, en dernier recours
Bon, si vraiment ça ne part pas, il reste une alternative avant de recourir au napalm.
Vous connaissez le produit magique à l’oxygène actif ? Il y a le rose de la pub qu’on vous vend une blinde, il y a le bleu de la réunion de vente privée qu’on vous facture une brique et il y a le percarbonate qu’on vous vendra dans les 5€ le kilo en magasin bio ou droguerie.
Le percarbonate ce n’est pas du bicarbonate et on ne s’amuse pas à en mettre dans les gâteaux, à moins de vouloir mettre fin à un viager c’est déconseillé. On suit aussi les indications de la boîte, genre ne pas respirer la vapeur, ça mange pas de pain.

Le principe c’est soit de faire une pâte à chaud soit de faire tremper à plus de 60°C, donc si vous avez bien tout suivi on inflige ça aux taches déjà cuites qui n’ont plus rien à perdre. C’est compatible avec la couleur, perso je le laisse tremper la nuit – en fait je l’oublie.
Voilà voilà, maintenant il n’y a plus qu’à affronter le rinçage au lavabo du premier pyjama plein de méconium qui marquera à jamais votre passage à la maternité et la fin de vos illusions. À froid, bien sûr .
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