Ça fait un an et demi que je tourne cet article dans ma tête. J’avais commencé à écrire une phrase dans la salle d’attente de l’hôpital où je patientais pour un examen. Et puis le médecin a été à l’heure alors l’article est resté là, quelque part dans un coin, à attendre lui aussi.
Et puis j’ai lu la semaine dernière un tweet de @linstitwittrice, qui appelle à en parler. J’ai aussi vu passer récemment les articles sur la sortie de « Trois mois sous silence » de Judith Aquien. Alors j’ai posté quelques mots à mon tour sur Twitter et les témoignages ont afflué, inattendus et précieux. Tous différents. Toutes les femmes, les grossesses, les fausses couches sont différentes et on les vit différemment aussi. Et on les vit comme on peut, comme on veut.
On ne doit rien à personne.
Cet article ne sera pas drôle, j’en suis désolée mais ça va être un peu difficile de faire autrement.
Et parce qu’un jour Pauline m’a demandé « Est-ce que tu veux bien me dire comment ça se passe, concrètement ? Personne ne dit comment ça se passe », alors je vais vous dire comment ça s’est passé, concrètement. Donc ce sera un article pas drôle et probablement difficile à lire.
Ce n’est peut-être pas le moment de vous préparer à dîner.
Ma petite malédiction perso c’est que je sais très vite que je suis enceinte. Tout le monde dit que ce n’est pas possible mais mon estomac s’inscrit en faux. Cinq fois sur cinq, je l’ai su avant la date de mes règles et j’ai fait piquer des fards aux tests précoces qui me donnaient invariablement raison.
Beaucoup de fausses couches passent inaperçues. Pas les miennes puisqu’à chaque fois, je sais.
Ma petite bénédiction perso c’est qu’avant de vouloir faire un bébé j’ai voulu arrêter de fumer et qu’un médecin que je remercierai toute ma vie pour ça m’a envoyée en centre d’addictologie. J’ai été suivie par une infirmière, un médecin et une psy – et je ne fume plus depuis 4 ans, 6 mois et 21 jours. Une psy qui, au détour d’une conversation m’a parlé des deuils pathologiques liés à des fausses couches précoces. De femmes qui avaient besoin d’aide parce qu’elles n’arrivaient pas à dépasser la perte d’un embryon de quelques semaines alors que ‘une fois sur quatre’. Alors que ‘ça ne présage en rien de la suivante’. Alors que ‘souvent on s’en rend même pas compte’. Alors que ‘dans le temps c’était banal’, plus ou moins tout le monde savait que de temps à autre on en perdait un, alors on n’était pas une exception et c’était pas si grave. « Aujourd’hui, elles croient qu’elles ont les seules alors que c’est statistiquement banal. Parce qu’on ne parle que des grossesses qui se finissent avec des jolies séances photo. On ne pas que de nos réussites. Alors on croit qu’on est les seuls à échouer et ça fait mal ».
Je ne sais pas si j’aurais vécu ça de la même façon sans ces mots.
Cet article sera publié en trois parties.
Je ne sais pas ce que ça va donner, comment ça va être reçu, je ne suis pas prête à tout gérer en une fois.
Alors il y en aura une par jour. De toute façon elles étaient différentes.
Rendez-vous à 21h.
Merci bcp. C’est, avec quelques variations, ce que j’ai ressenti physiquement et moralement. Surtout, pourquoi on n’est pas prévenues avant? Pourquoi ça ne fait pas partie de l’éduction de base? Savoir que ça arrive et ce qu’il faut faire! J’ai l’impression de devoir chercher, de devoir demander, de recevoir sous le manteau des infos qui devraient être complètement normales.
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